Bruges-la-Morte

Hugues Viane, fuyant une ville « cosmopolite », probablement Paris, s'est fixé quai du Rosaire à Bruges. Il y mène, avec sa pieuse servante, une vie calme et retirée, cultivant sa douleur dans le souvenir de son épouse disparue. De celle-ci, il a conservé dans un coffret de cristal une tresse blonde qu’il vénère chaque jour. Ce n'est pas au hasard qu'il a choisi Bruges. Personnage principal et omniprésent, la cité s'associe à son chagrin, s'assimile même à la morte. Un soir, à la sortie de Notre-Dame, Hugues rencontre une jeune inconnue dont la ressemblance avec la défunte le remplit de stupeur. Il la prend en filature jusqu'au Théâtre. Là, il découvre que Jane Scott joue le rôle d’une danseuse dans Robert le Diable de Meyerbeer. En devenant son amant, il espère retrouver le bonheur qu'il a connu avec sa compagne. La ville austère lui reproche cette liaison scandaleuse… Le récit se termine en tragédie. Lors de la procession du Saint-Sang, Hugues Viane étrangle la comédienne avec la chevelure qu’elle a, sans le savoir, profanée.

By : Georges Rodenbach (1855 - 1898)

00 - Avertissement



01 - Chapitre 1



02 - Chapitre 2



03 - Chapitre 3



04 - Chapitre 4



05 - Chapitre 5



06 - Chapitre 6



07 - Chapitre 7



08 - Chapitre 8



09 - Chapitre 9



10 - Chapitre 10



11 - Chapitre 11



12 - Chapitre 12



13 - Chapitre 13



14 - Chapitre 14



15 - Chapitre 15


Roman de gare, thriller avant la lettre, poème en prose écrit dans une langue magistrale, mythe d'Orphée revisité, conte initiatique, Bruges-la-Morte, cette œuvre universelle, pièce maîtresse du symbolisme littéraire offre une pluralité d’interprétations qui continue de lui assurer un succès constant.
Est-ce un roman ou non ?
Le livre présente une série d'enjeux esthétiques et formels qui sont en lien avec la philosophie symboliste. Il y a cependant un problème de représentation, puisque le symbolisme se présente comme incapacité d'écrire un récit, il y a là un problème esthétique dans l'écriture d'un roman symbolique.

Ce que le livre dit :
Ce n'est pas un roman sur une histoire, mais bien le récit d'une ville. En lui donnant son titre, il lui accorde toute l'importance d'un personnage, car ceux-ci ne sont pas l'élément central du roman. Cela dit, le roman ne contredit pas les récits réalistes (qui vise une étude), mais il se fond avec le récit symbolique, qui lui se veut une étude des passions.

Le thème de la ville est donc le thème central du récit :

Sert de paysage
Sert de décor
Sert de passion
Le roman met en scène un double discours qui vise l'étude des passions (donc étude il y a au sens réaliste) et le texte (texte au sens où se déroule une trame et des tissus circonstanciels).

Le roman en tant qu'étude aboutit ce faisant à un récit. Récit qui témoigne une impossibilité d'atteindre un idéal (p. 269 Bruges-la-morte, le meurtre de Jane). La seule possibilité du récit se trouve dans le thème de la mort. Par possibilité, comprenons l'atteinte de l'Idéal telle que vue par les symbolistes :

« La poésie symbolique cherche à vêtir l'Idée d'une forme sensible qui, néanmoins, ne serait pas son but à elle-même, mais qui, tout en servant à exprimer l'Idée, demeurerait sujette. L'Idée, à son tour, ne doit point se laisser voir privée des somptueuses simarres des analogies extérieures ; car le caractère essentiel de l'art symbolique consiste à ne jamais aller jusqu'à la concentration de l'Idée en soi. Ainsi, dans cet art, les tableaux de la nature, les actions des humains, tous les phénomènes concrets ne sauraient se manifester eux-mêmes ; ce sont là des apparences sensibles destinées à représenter leurs affinités ésotériques avec des Idées primordiales. »

Hugues touche la mort et s'y perd à ne jamais complètement se perdre physiquement. Il est habité par des passions, notamment la tristesse, la mélancolie (qui est alimentée par le décor sombre de la ville et le monde physique), le ressentiment et l'amour. Il se perd dans ses passions et l'Idéal recherché est la mort. C'est pourquoi Jane s'offre comme possibilité. Elle est une copie conforme de la morte (la femme décédée de Hugues).

Hugues cherche à totaliser son expérience. Il recherche la totalisation paradigmatique, la répétition donne alors une unité totale, répétitions de mot, mais aussi de sens. Se répéter la morte, c'est vider le sens du symbole de la morte. Ce symbole est donc disposé à se remplir, c'est pourquoi Jane devient la figure analogique de la morte, puisqu'elle incarne une représentation parfaite de la défunte. Elle devient littéralement le symbole.

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